Moments 1,2,3 / Installations vidéo / 1996

Dans mes créations qui prennent la forme d'installations vidéo en circuit fermé, appelées Moments, j'invite le spectateur à se mettre en scène et à faire l'expérience de la représentation de sa propre image. Les scénographies des dispositifs proposent à chaque fois au spectateur de devenir acteur principal de l'œuvre, car pour voir, il faut se voir. Pour faire vivre l'œuvre, il faut la questionner par les gestes ou les déplacements. Le spectateur en quête de sa propre image ou bien testant son réel pouvoir d'interaction sur l'œuvre accepte de se faire manipuler et de se plier à la règle du jeu. L'image produite en temps réel domine alors la situation représentée, ce temps, ce Moment, l'emporte sur l'espace réel. C'est ce que Paul Virilio appelle Le temps du paradoxe logique

Certaines de mes installations trouvent leur place dans des lieux publics où je détourne les systèmes de surveillances vidéo pour questionner le spectateur sur le statut de ces images dans lesquelles il apparaît et se voit. Initialement sa propre image lui est renvoyée dans un écran de contrôle souvent fractionné en plusieurs vues, lui rappelant qu'il est surveillé et ses actes enregistrés. Ce dispositif vidéo induit un comportement conditionné chez l'usager, produisant sur lui un effet neutralisant. En détournant ce dispositif et proposant une autre lecture de ces images —en mixant par exemple l'image réelle de ce spectateur à une action burlesque tournée à un autre moment dans le lieu— le dispositif est dépossédé de sa fonction pour glisser du champ sécuritaire au champ artistique. L'usager devient spectateur et acteur, son comportement change dès son premier sourire et la manifestation de son questionnement : il se retourne, cherche le subterfuge, interpelle les autres usagers. Il ouvre son espace, devient plus mobile. Il se libère des contraintes qui lui étaient alors imposées par la simple vue du dispositif de surveillance. 

Au delà de la question du conditionnement et du détournement, ce qui m'intéresse, c'est ce nouvel espace scénique qui se met en place et ce qui s'y joue. C'est la rencontre du réel et de la fiction, l'usager se retrouve propulsé acteur dans une mise en scène inattendue pour le lieu. Deux temporalités, l'image enregistrée et le direct, se croisent pour en créer une troisième : l'image recomposée, l'image témoin, archivable. Les points de vues sont multiples, les réactions différentes d'un spectateur à l'autre, rendant le résultat à l'écran aléatoire et en perpétuel mutation.  


Moment 1

Quatre téléviseurs sur leurs socles, disposés en croix, un éclairage fixé en hauteur éclaire le centre.

Dès qu'il franchit les limites de l'installation et se positionne entre les socles, le spectateur découvre son image reproduite dans les quatre écrans. Mais alors que le dispositif lui laissait penser qu'il se verrait de face, c'est de dos qu'il se voit représenté. Tout d'abord curieux et amusé de faire connaissance avec cette facette de lui-même, le spectateur retrouve très vite ses réflexes narcissiques et tente de déjouer le dispositif. Il se contorsionne pour essayer d'apercevoir son visage de face, il jette des regards rapides à chaque écran comme pour surprendre un éventuel retard dans la retransmission de l'image. Ce visage tant désiré est pourtant bien là, enfermé dans l'écran juste derrière lui, regardant virtuellement et certainement ironiquement ce double de chair qui s'agite. 




1999
Exposition individuelle Vu(e)(s) à la télé, atelier d’artiste, Fort Beauregard, Besançon

1998
Exposition individuelle, Hall de l’ABC, Association Bourguignonne et Culturelle, Dijon  


Moment 2 

Un moniteur de contrôle est relié à une caméra de surveillance qui filme l’installation.

Dès qu’il se présente dans l’installation, le visiteur peut voir son image représentée dans un moniteur. Les images diffusées le montrent de dos dans l’espace où il se trouve. Très vite il est rejoint par d’autres personnages étranges qui n’apparaissent qu’à l’écran.




1999
Exposition individuelle Vu(e)(s) à la télé, Atelier d’artiste, Fort Beauregard, Besançon 

1998
Exposition individuelle, Hall de l’ABC, Association Bourguignonne et Culturelle, Dijon  


Moment 3

Dans cette installation, le spectateur se retrouve face à un téléviseur. A l’image, sont disposés quatre tabourets semblables à celui sur lequel il est assis. Petit à petit, des personnages viennent s’y asseoir. Chaque fois qu’il fait un mouvement, ils interagissent soit en le mimant soit en le regardant. Bien que les images semblent pré-enregistrées, le spectateur veut savoir s’il est à l’origine de ce qui se joue à l’écran. Cela donne lieu à des situations étranges dans lesquelles le spectateur devient acteur et amplifie l’interaction. Il est en réalité filmé à son insu, observé par des comédiens qui appliquent un protocole défini à l’avance.





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